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L’Arabie Saoudite : la « Guerre Froide » du royaume avec l’Iran

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Depuis 1979, l’Arabie Saoudite est devenue l’alliée de premier plan des Etats-Unis au Moyen-Orient (à l’exception d’Israël). Toutefois, le retour de l’Iran sur la scène internationale le fait craindre un déclassement, aussi bien de son influence auprès des dirigeants américains que des pays arabes. L’affrontement qui se dessine entre les deux puissances régionales pour le leadership de la région pousse Riyad à adopter une attitude plus offensive que par le passé.

L'Arabie Saoudite et l'Iran, en opposition plus ou moins feutrée pour le leadership régional
L’Arabie Saoudite et l’Iran, en opposition plus ou moins feutrée pour le leadership régional

Le retour de l’Iran inquiète Riyad…

La structure interne du pouvoir en Arabie Saoudite, composée de plusieurs centres entrainant des diplomaties parallèles, ne favorise pas une ligne diplomatique claire. Toutefois, la montée en puissance de l’Iran inquiète tous les membres de la famille royale. L’accord sur le nucléaire du 16 Juillet 2015 a confirmé le retour de l’Iran sur la scène internationale, facilité par la politique d’ouverture du président Rohani et de la menace de l’EI en Irak et en Syrie obligeant les Occidentaux à reconsidérer l’Iran comme un acteur clé dans la région.

C’est la peur de « l’encerclement » par un croissant chiite sous l’influence de Téhéran qui fait réagir Riyad. Cette perception, mêlant part de réalité et fantasme paranoïaque, guide la politique saoudienne vis-à-vis des chiites à l’intérieur et à l’extérieur. La polarisation confessionnelle sert d’angle de vue à Riyad qui après Bagdad, Damas et Beyrouth, ne pouvait accepter que Sanaa tombe entre les mains des Houthis, considéré comme des alliés objectifs de Téhéran. De même, c’est ce qui a guidé l’Arabie Saoudite à réprimer les soulèvements au Bahreïn et à se méfier de la minorité chiite saoudienne (représentant environ 5% de la population).

… l’obligeant à mener une politique plus offensive sur la scène régionale …

L’affaire « Saudi Leaks » a révélé la « diplomatie du carnet de chèques » menée par l’Arabie Saoudite. Les pétrodollars saoudiens sont connus pour servir à financer la promotion d’un Islam rigoriste à l’étranger par divers canaux. Toutefois, les documents révélés ont permis de se rendre compte de l’importance accordée à la lutte d’influence contre l’Iran chiite. L’Arabie Saoudite n’a pas hésité par exemple à financer les partis politiques et les médias libanais pour gagner en influence, comme la chaîne MTV hostile au Hezbollah et au régime syrien de Bachar el-Assad qui a reçu 2 millions de dollars.

L’Arabie Saoudite s’emploie ainsi à bâtir un « front sunnite » pour contrer la menace iranienne. Cela se traduit par un activisme militaire inhabituel du royaume (Opération « Tempête décisive » au Yémen, répression au Bahreïn) et par une volonté de rassemblement des puissances sunnites autour de l’Arabie Saoudite comme leader. Le retour de l’Iran et la menace de l’OEI à leurs frontières ont convaincu les membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) de mettre en parenthèse les sujets de tensions entre eux. De même, l’Arabie Saoudite a cherché à renforcer ses liens avec l’Egypte et la Turquie. Plus surprenant, le royaume a opéré un rapprochement avec l’Organisation des Frères musulmans. Alors que les Frères musulmans sont considérés comme une organisation terroriste en Arabie Saoudite, le royaume a reçu sur son sol en 2015 des représentants du Hamas palestinien, de l’Ennahda tunisien et de l’Al-Islah yéménite, trois organisations proches des Frères musulmans. Cette volonté d’alliance « tout azimut » sunnite traduit bien la prise de conscience par Riyad du retour inéluctable de l’Iran et de sa volonté de préserver sa place de leader régional au Moyen-Orient.

… en marquant sa différence avec l’allié traditionnel américain.

Depuis les Printemps Arabes, les divergences politiques entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite concernant le Moyen-Orient apparaissent de plus en plus au grand jour. Alors que les Etats-Unis ont essayé officiellement d’accompagner une transition démocratique (avant un retour vers une position plus réaliste et un renouveau du scepticisme à l’égard de l’Islam politique), l’Arabie Saoudite a clairement marqué sa différence en réprimant sur son territoire et dans son « étranger proche » toutes velléités de soulèvements populaires. La divergence s’affiche également sur le dossier syrien : si Washington émet de plus en plus de réserves quant au bien-fondé du retrait du pouvoir d’Assad, l’Arabie Saoudite continue de prioriser la chute du régime de Damas, au risque de laisser prospérer l’EI.

La disgrâce américaine se fait sentir par opposition avec la lune de miel entre Riyad et Paris. La France, dont les priorités diplomatiques sont assez similaires à celles de l’Arabie Saoudite (chute d’Assad en Syrie, ligne dure à l’égard de l’Iran), est désormais l’allié de référence pour la monarchie saoudienne. La France s’est vue ainsi récompensée par des contrats commerciaux et l’invitation exceptionnelle à assister à un sommet du CCG.

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